mercredi






 Qu'enfin le temps va vous délivrer le sens de certaines histoires ou certaines rencontres, alors, on le laisse passer,le temps.Il ne nous laisse pas le choix, le temps.Jamais.Il passe .Par ici.Par là. Il nous passe dessus, avec l'inexorabilité du rouleau compresseur du service de l'équipement, qui vient de refaire le goudron de la route.Noir et fumant.Le temps fume en toute vaillance.Au dessus de nos volcans pourchassés. Et nos poumons brûlent à son passage.Nos routes gondolées.Plus qu'un monceau de débris de loques calcinées, qui bute jusqu'à l'occasion d'une respiration.

Une bonne motivation pour le vivre, le temps, de se dire qu'enfin une signification va s'éveiller :Plip, Plip,fait le doux bruit des significations qui s'éveillent ,comme le bruit d'une perle qui rebondit, par mégarde, de sa nacelle huitrière.Le plongeur a le torse bronzé avec sur les yeux des lunettes de plongée, roses,comme celles qu'on vend, pour dépanner, dans les piscines.Il plonge.Il plonge ,le plongeur.Il plonge le plongeur comme le temps passe.Le monde va ,ainsi.Le temps passe .Le plongeur passe.Mais la perle ,il est rare qu'elle tombe dans l'escarcelle de vos jours.Pour oublier cette quète dans les huîtres de Noêl ,les fins de bouteille de champagne dans le tour des frigos voisins,le goulot fraîchement porté à nos lèvres.

Le temps ne donne rien .Il nous rapproche seulement de notre mort,chaque jour ,à peine né ,et c'est déjà fini.La vie est un grand bal de costumes vides,à peine incarnés,par cette idée d'humanité dont on nous dit être bâtis.Toute construction ne montre que le squelette de sa propre chimère.Le corps mort de la vanité qui l'a engendré. J' arrache au rien des poils de pas grand chose.La philosophie de bazar qui me croise l'esprit ces derniers jours, dans les enceintes de Jérusalem, emprunte au nihilisme ses accents circonflexes.Et tandis qu'un groupe sado -punk déchire les cloisons de l'immeuble où je gis,vautrée sur un matelas à terre,je m'adonne aux tueries de mes rêves,avec une méthode digne d'un serial killer,une froideur de fond de crevasse de L'Everest.Crevasse.Ma crevasse.Même ,il me l'a volée.

Quand je l'ai connu, il était habillé d'une peau de banane ,très classique comme peau, jaune,jaune très banane, rayé de ces zébrures noires propres à ce fruit.C'est là que j'aurais pu me méfier.Pas la peine d'avoir passer des certificats en herméneutique comparée, dans une université anglo saxonne de renom, pour venir se casser le nez ainsi.Sauf que je n'étais absolument pas dans le cadre de la moindre analyse,hélas,hélas,hélas, puisque nous nous croisâmes au primeur du coin de la rue, tenu par Mahmoud ."Au jardin des délices"qu'il a appelé sa boutique Mahmoud.C'est là que je viens pour tenter de manger mes 5 fruits et légumes par jour.Autant dire que je n'y arrive pas.Parce que mes envies ne collent jamais aux saisons,  que le sec n'est pas frais, que le frais se voit mal au sec.Je pique des discussions avec Mahmoud,entre le rayon pommes et poires.La journée est grise ou bleu gitane.On échange des bribes de mots,un sourire dans les coins.La banalité qui fait rage, a une paix en soi.Celle des mots de peu ,des mots du juste pour dire ,des mots qui meublent,des mots tout bètes à des gens dont on ne sait rien ,dont on devine si peu de choses, mais dont on pressent qu'il traverse ,comme nous, des fatigues ,des chagrins,des renaissances.

Rencontrer cet homme costumé d'un élégante peau de banane ne fut pas l'épisode le moins éprouvant de ma vie.Nous devrions toujours faire confiance aux choses dans les clins d'oeil appuyés qu'elles nous envoient ,comme une espèce d'alarme sous-jacente, où l'histoire qui cherche à dérouler ses propres tapis,a dans ses débuts, les signes sanglants de sa fin .Ainsi de cette peau de banane.Jaune et non sanguine.De ce costume ,qu'il faut bien l'avouer ,j'estime aujourd'hui , d'un parfait ridicule, mais qui me semblait, à l'époque, témoigner d'une recherche esthétique sophistiquée.Alors ,bien évidemment,je me lance dans la narration des aventures épiques des amours entre l'homme au costume en peau de banane, et moi .Une longue épopée lyrique où il est question d'amour,  et de feu, et de fantaisie,de parchemins jetés aux ornières et de serments noués, puis tordus, jusqu'à l'hallali.Rien de bien passionnant.Rien de plus à ajouter, dans le sacro-saint chapelet du romanesque qui court les rues, et les vitrines de nos librairies.

J'aurais juste dû m'attacher à son costume.Cette peau de banane, pour savoir combien tout va déraper.Une histoire où le moindre tournant glisse.Une Histoire comme une grande savonnade.Avec les bleus qui vous restent collés aux mains et au cul ,en fin de glissades,comme un tatouage du fond de l'âme.Avec dans les yeux qui piquent un nouveau ciel ,vert comme un savon d'Alep et au milieu ,un soleil ,jaune ,jaune citron,un vrai qui chauffe, sans costume de banane.