samedi

Planning familial

La petite sectionne les derniers fils de laine qui la rattachent à sa poupée.Sa poupée noire et carrée, dont les cheveux tombent en moutons synthétiques sur le plaid du lit, où elle regarde les choses se défaire.Sa poupée aux yeux bridés que son oncle, guide pour touristes, lui a ramené de Fukushima.Elle fait collecte au mur.Les costumes colorés font le tour du monde, en 80 secondes par minute ,dans sa tête.Ses sandales vernies au pied se balancent doucement,au-dessus du vide entre le plancher et ses semelles, l'une après l'autre,berceuse désenchantée qui ne connaît pas la voie de la tendresse.La lumière de la chambre y projette des reflets de lanterne magique.Que d'histoires drôles à suivre à la pointe de ses pieds entre deux rais du jour.

La petite  surgit entre les barreaux que le temps a dressés autour d'elle.Des barreaux aux matières composites :morve,goudron ,fraise haribo, héros de contes,quartz,bachélite,une repro d'une danseuse de Degas,stratosphère artificielle,Jacquou le craquant,tableaux noirs,ordres occultes à la botte des radis bleu cerise.Un héron dévore le nuage du rideau de la fenêtre,l'orange sale,oui,celui -là même qui traîne depuis l'enfance, aux carreaux qui dépècent le jardin en miettes pour les pigeons gras.L'espagnolette de la fenêtre branle dans les tours de poignets qui l'accomplissent.Et le store vénitien pendouille sur l'horizon avec ses ficelles toujours cassées.


Encore l'enfance.Avec son odeur de petite culotte dépourvue de foutre sous les doigts du fils du fermier voisin, à l'orée de la forêt où les vaches avortent les quotas européens, dans des grands bols à pois, plein à ras bord de Nesquik.Le bleu marine des petits bateaux qui naviguent sur l'eau, pour courir droit au naufrage tapi dans leurs étiquettes, dignes de la cour du Roi Soleil.La connaissance est un kaléidoscope en feu follets, et la petite fille y brûle son oeil, alors qu'elle se bat avec une paire de ciseaux à bouts ronds, dont la colle séchée sur les lames empêche le coupant.Le fil de laine rouge s'effiloche,qualité médiocre .A peine de quoi se piquer le bout des doigts à la quenouille.L'enfance est belle au Bois Dormant.Aux bois qui dorment au fond des lois, qui régissent la couture sur la cicatrice des bouches.Chut.

Ne commence pas.Surtout pas.Ne commence rien à dire pour  dire.Paix en nos miroirs.La parole est le puits où trempent nos blessures dans l'acide des jours qui fuit.

Meuh fait la boite rigolote,renversée.Et la petite rit toute seule dans l'ennui de sa chambre au fond des quoi.Quoi.Quoi.Cela sonne comme un couac et canard est sa polysémie préférée.Coin.Au coin ,moi.


Elle n'a pas encore le bouton sur le nez de l'adolescence.Sa poupée est percée de part en part.Les raccourcis font loi.Force est le droit.Le planning se programme familial.Les faiseuses font des anges des poupées cassées de son ventre.Sa soeur a  un baigneur en mousse.Molle mousse.Malléable à merci qu'elle pique comme le dernier des junks de la rue en chapeau fleuri.Les pages s'effeuillent comme des marguerites sous les doigts sans l'ombre d'une conjonction de coordination:mais ou et donc or ni car dit-il sur ce ton.C'est la fin d'un été qui ressemble à l'hiver.Nos heures sont normales tant qu'elles ne se retournent pas contre le dos du temps.Mais ou et donc or ni car dit le tonton.

"Toute chose n'est pas bonne à dire,dit -on dans ce genre de dicton qui tranche la pensée aux racines des pipis au lit."dit-il sur ce ton.Sur ce ton de tonton.Ton ton.

Robe froissée sur les plis de la chair qui s'ignore du poids des heures forcloses.La poitrine se fronce .L'innocence n'est qu'un mot dans la bouche des coupables.La poupée chuchote encore des mots à son oreille.Poupée de suie poupée de tonton.Des mots comme des boucles de crochets de boucher.Le frigo est vide et la viande ne fait pas chair.La poupée découpe ses grands yeux dans l'espace d'un après midi de septembre.L'école n'est pas finie.

Peut-être est-ce mercredi.Ou jeudi.Ou dimanche.Dit-il dans le qu'en dira ton.

L'oeil tourne sur son globe dans le bocal des toilettes.Les soeurs du couvent sont si pieuses qu'on les croirait mortes, et les fleurs des parterres scellent les tombes des pas des vivants.Une valse déchire l'air à la radio, comme une inconnue l'équation au tableau.

Il y a des livres dans les poches du monsieur qui ouvre son manteau sur son truc.Mise en scène.Drame.Le héros à la pelle.Scène du roman familial qui bave du freudien aux entournures.Je l'interprète au moment même où il tourne le coin de la rue d'un souvenir.Des livres qui débordent de la poche de son grand manteau noir nuit et dont elle n'arrive pas à lire un seul titre.Elle a perdu le sien ,là ,dans cette poche.Elle recouvre de papier bleu carbone 14 tous les livres de la bibliothèque de l'école pour sa peine.Cest long.C'est bon.Toutes ces pages entre les doigts.L'encre qui salive dans la bouche.Le gouffre.

Water.Walter close.Water closet.

Walter Scott.Watt Cosette.Watt.

Ivanhoé.Samuel.Samuel Quéquette.

Oé.Oé.Du bâteau.




jeudi

Moutarde est la mémoire


Ma mémoire est en pot. Mon pot est trou.  Ma mémoire est moutarde .L'étiquette écrite à la main est lisible.Je ne distingue rien.L'étagère est à angle droit sur ses équerres fichées dans le mur.Le mur se déplâtre par endroits.La poudre est sniffée.L'endroit , de moins en moins sûr.La sciure sur le sol fait penser à l'écurie.Tu ne nous referas pas le coup du petit Jésus dans la crèche.D'ailleurs il ne se souvient plus de ce qui se préside à sa naissance.La cuillère tourne dans le pot.La flamme sous l'inox bombé.Le pot luisant sur la table où tu manges.C'est un jour ordinaire entre tous les autres.Pas besoin de le bénir davantage.L'âne geint au fond de la cuisine.Le boeuf pisse son lait directement dans une boîte au frigo

Le progrès rougit entre deux barreaux de la chaise où l'homme se tient la tête dans les mains.Son crâne tombe par moments sur la nappe avec un bruit de marteau.La nappe cirée s'use des coups.Fort assez violemment, pour déranger les deux perruches accrochées dans la cage au bord de la fenêtre, qui tente d'attraper un coin de soleil, entre deux cavalcades nuageuses d'un jour sombre.Une odeur de grillade s'accroche dans l'air comme à des barbelés.

L'atmosphère s'épaissit à trancher un poignard.

Il n'y eut pourtant pas de meurtre si je me souviens bien ou alors de ceux dont on crève à petits feux, en toute vaillance comme pour accomplir son devoir ,l' insensé,la tache à abattre.De cette mort qui fait plus que sa route dans l'interstice entre les jours déclarés, et la nuit occultée à grands coups de terre dans le mur.Faut que ça bouche.Saucisse ou boudin ,maquereau peut-être.L'assiette ne tient plus debout.L'assiette vacille.L'assiette vole à travers l'air.Soucoupe volante en proie à davantage de liberté.Porcelaine éclatée contre les murs.Tension haute entre deux épaisseurs du matelas désert.

La moutarde se contorsionne sur son pot.La voilà dansant la samba sur l'étagère.On est loin de Rio pourtant.La misère ici est grise sous les tapis synthétiques du salon qui ne sert jamais à recevoir personne.Salon d'apparat pour un apparat fantôme.Les fantômes ont le rythme.Celui de toujours se rappeler le goût de la moutarde,privés de viande qu'ils sont.Dépourvus d'os et de moelle.A peine esprit,sauf épouvante des clefs qu'ils nous jettent à la figure quand les chauves souris tiennent des conférences animées au plafond.

Chair évaporée,ciel garanti.

Il y eut un meurtre.Comment souvenir.

mercredi

Montreur d'ours



Ratsenburgen se pose entre les deux ailes du nez une pince à linge en bois blanc,légèrement moisie à l'entrejambe,faute d'avoir été ramassée à temps avant l'hiver, du fil en fer où elle oeuvre une bonne partie de l'année,funambule méconnue,   à sécher les oripeaux flamboyants de la famille dont je ne vous ferais pas l'affront de décliner le détail,bien commun à toute l'humanité,quoiqu'une partie me semble très bien se passer de  ce que l'on nomme un slip,par exemple ou une cravate ,aussi,denrée rare sur les fils à linge d'extérieur.

Ratsenburgen, soudain, se demande avec une acuité accrue par son ignorance ,si vraiment les cravates se lavent au pressing, ou à la main dans l'évier réquisitionné à l'occasion, avec du mir laine spécial couleurs express.Que sa condition socialement socio -professionnelle l'empêche d'accèder au savoir sur de telles pratiques, contribuent, de temps en temps ,à ces légères déprimes qui le font piquer du nez en pleine journée ,sans que personne dans son entourage ne comprenne la raison de ces subites saute d'humeurs.

Ratsenburgen a décidé de se prendre en main ,et de surseoir à cette espèce de cyclothymie journalière ,en prenant les devants énergiquement.C'est ainsi que la pince à linge dérobée dans le jardin de la voisine( lui personnellement possède une machine à laver équipée d'un sèche linge du dernier cri)(ah!!) se retrouve sur son nez(aïe!!), alors qu'il pédale tranquillement,le bas de son pantalon à pinces soigneusement replié par une pince à vélo,pour éviter l'huile dégoûtante des chaînes de l'engin.


Ratsenburgen est un conquérant.Et alors qu'il parcourt à grands coups de pédale le chemin qui sépare exactement de son domicile le lieu de son turbin quotidien,une mouche a la bonne idée de se poser sur son nez et d'entreprendre l'escalade des jambes de bois de la pince anti-dépresseur.Si écrire ,comme dit Marguerite Duras,est suivre le trajet d'une mouche sur le carreau:Ratsenburgen est destinée à une grande carrière de poète.Tout tombe bien ,puisque voilà le printemps.

lundi



La pierre est le chemin que j'oublie de te lancer au visage.Les yeux d'un dieu piétiné, à bout de souffle des nuits, coulent comme de la cire fondue, sur les doigts qui tentent de le saisir.Nous inventerions des histoires .Rondes et pleines, comme les ballons de lune qui flottent dans le regard des noyés.J'ai raté le caillou.Oh! le joli caillou !Je ne sais plus d'où je parle.L'eau à la bouche a goût d'un pétrole lampant vieux .Les machines tournent la tête aux gyrophares.Cou tordu des poètes au bal des croupions.Un lutin se farde avec du jus d'herbe pour séduire un pin parasol effaré par son ombre.Nous écririons n'importe quoi et il serait bien temps de botter le cul à Alice.De lui faire bouffer à elle et au lapin blanc, la terre arable défoncée aux pesticides des terriers d'aujourd'hui.Round up or not.La sauce aux vertiges.Les lettres hésitent sur le bord de la falaise.Des ailes passent dans l'encombrement des nuages et la cohorte des mondes parallèles a des grosses joues à la Dizzie Gillespie.Ce qu'il faut de jazz pour empêcher la pensée de pleuvoir.Les vagues nous retiennent à peine du bord.La pierre est friable.Poudre d'escampette et champignon hallucinogène.

Saperlipopette! crie-t-il?Et sa voix casse des cuisses aux canards.C'est juteux ,dit ainsi ,et Basho apprécie ,assis sur le fil de l'eau.Basho sur l'eau ,la rivière ,la rivière.

Ma mère n'est pas revenue en ses propres fantômes.Elle voit dans la toupie des ondes .Vase la vase.Repose en paix.Ma mère les névroses au sirop de grenadine E111.Freud papy tapi, interprète nos dératés dans les psychés où elle brosse mes cheveux, en les aplatissant avec de l'eau tiède.La brosse qu'elle trempe dans le bol.Obstinément contre les boucles.Obstinément.La boucle ne boucle rien.Juste un rond qui se tourne.Se détourne.Cherche à rencontrer sa propre fin pour voir sa tète dans le miroir,les cheveux bien coiffés.Et les rubans dans les couettes pour faire joli.Et aucune grenouille pour s'insurger du ridicule sur le bord du lavabo.La grenouille fond aussi ,chewing gum à la chrophylle brûlant sur l'émail du lavabo.Quoi ,ce bordel.Palmes académiques sur le revers.Tu seras une .Une quoi ?Elle s'invente un souvenir de toutes pièces pour faire joli dans l'album.Une quoi?

Cela reste à définir et le père brûle des lutins dans le poste télévisé à coups de  décharges électriques.Les serrures font des étincelles et je couche avec un dragon au fond de mon lit,entre deux draps rayés comme les pyjamas des camps de la mort.Un zèbre me mange le cerveau à feu doux.Je jouis.Peut-être.Plein gaz.

La rive s'éloigne.


Un personnage de diction s'échine à  mâcher des monologues sur une barge de bois peint.Il fait tour à tour tous les personnages et la pièce en a beaucoup.Inmontable la pièce .Trop de monde dans cet univers.L'univers se doit d'être étroit et palpable.Suivre un fil.Avec le bout humide de la langue quand on lèche le dos des enveloppes.Le goût de la colle.Le sens du théâtre.La didascalie enrage et le sous texte aussi.L'espace entre les deux points d'une tirade fait un dos d'âne et tout se casse la gueule soudain.Amortisseurs morts.Hi han.Il faut.Un amas de costumes recouvre la butte créée.Partir déguisés pour où.Où est une bonne destination sans trop d'amalgames.

LUI -Où?
LUI (encore)-Où?
LUI (encore et encore)-Où?

questionne encore les cordes lyriques d'une dramaturgie intense au sein de métaphysiques toujours actives au coeur de l'homo contemporéanus qui ne demande qu'à embarquer.Où marche sur les traces de Stevenson doublé d'un Pascal.Ouais.