jeudi

Moutarde est la mémoire


Ma mémoire est en pot. Mon pot est trou.  Ma mémoire est moutarde .L'étiquette écrite à la main est lisible.Je ne distingue rien.L'étagère est à angle droit sur ses équerres fichées dans le mur.Le mur se déplâtre par endroits.La poudre est sniffée.L'endroit , de moins en moins sûr.La sciure sur le sol fait penser à l'écurie.Tu ne nous referas pas le coup du petit Jésus dans la crèche.D'ailleurs il ne se souvient plus de ce qui se préside à sa naissance.La cuillère tourne dans le pot.La flamme sous l'inox bombé.Le pot luisant sur la table où tu manges.C'est un jour ordinaire entre tous les autres.Pas besoin de le bénir davantage.L'âne geint au fond de la cuisine.Le boeuf pisse son lait directement dans une boîte au frigo

Le progrès rougit entre deux barreaux de la chaise où l'homme se tient la tête dans les mains.Son crâne tombe par moments sur la nappe avec un bruit de marteau.La nappe cirée s'use des coups.Fort assez violemment, pour déranger les deux perruches accrochées dans la cage au bord de la fenêtre, qui tente d'attraper un coin de soleil, entre deux cavalcades nuageuses d'un jour sombre.Une odeur de grillade s'accroche dans l'air comme à des barbelés.

L'atmosphère s'épaissit à trancher un poignard.

Il n'y eut pourtant pas de meurtre si je me souviens bien ou alors de ceux dont on crève à petits feux, en toute vaillance comme pour accomplir son devoir ,l' insensé,la tache à abattre.De cette mort qui fait plus que sa route dans l'interstice entre les jours déclarés, et la nuit occultée à grands coups de terre dans le mur.Faut que ça bouche.Saucisse ou boudin ,maquereau peut-être.L'assiette ne tient plus debout.L'assiette vacille.L'assiette vole à travers l'air.Soucoupe volante en proie à davantage de liberté.Porcelaine éclatée contre les murs.Tension haute entre deux épaisseurs du matelas désert.

La moutarde se contorsionne sur son pot.La voilà dansant la samba sur l'étagère.On est loin de Rio pourtant.La misère ici est grise sous les tapis synthétiques du salon qui ne sert jamais à recevoir personne.Salon d'apparat pour un apparat fantôme.Les fantômes ont le rythme.Celui de toujours se rappeler le goût de la moutarde,privés de viande qu'ils sont.Dépourvus d'os et de moelle.A peine esprit,sauf épouvante des clefs qu'ils nous jettent à la figure quand les chauves souris tiennent des conférences animées au plafond.

Chair évaporée,ciel garanti.

Il y eut un meurtre.Comment souvenir.